Ascension sociale
On aime à se répéter emprunt de dépit que l'ascenseur social est en panne dans ce pays, qu'il serait presque devenu impossible de s'extraire de sa condition sociale, que notre énergie canalisée sert plus à ne pas finir déclassé, qu'à gravir les échelons de la pyramide sociale. Pourtant l'actualité récente de manière inattendue, par le biais de l'affaire d'Outreau nous a apporté un violent démenti. Les accusés d'Outreau furent reçus, quelques jours après avoir été innocentés, avec les honneurs dans les salons dorés de la République, par le premier ministre en personne. Ils eurent même la surprise après la complainte des regrets d'usage du personnel politique de profiter d'une première, en recevant une lettre pleine de compassion et de savantes excuses de la part du président. Le président de la République (oui avec une majuscule pour le faste), leur adressant en personne un mot où il a pû se dire consterner du dysfonctionnement de l'institution judiciaire et de l'injustice qui leur a été faite.
Un jour lie de l'humanité, suscitant haine et répulsion, destinés à passer de sombres années dans une geole, sous les affirmations sentencieuses de l'instruction, de la presse, de la vindicte populaire. Devant s'accomoder de co-détenus moralistes qui n'apprécient guère les agresseurs d'enfants. Et de passer seulement en quelques semaines de cet statut misérable, à la béatification, devenant des victimes d'une justice sans coeur, ayant perdue tout sens de la mesure, animée par un juge d'instruction inexpérimenté, ayant été entraîné sur des chemins tortueux par son jeune âge et les émois provoqués par cette première affaire importante. En bute de même à l'incompétence d'une presse ayant plus l'habitude de recopier des procès verbaux que d'enquêter. Avant que sous la pression de l'actualité la classe politique ne se sente l'obligation de réagir, et de se joindre au concert d'excuses et de louanges.
Mon objectif n'est certainement de faire planer un doute sur la culpabilité de ces individus accusés à tort, ni de justifier le piteux travail des services concernés, ni encore moins de prétendre que ces individus ne méritent pas d'être blanchis (n'y voyez aucune connotation raciale) et dédommagés. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de foncièrement malsain à contempler un si rapide changement d'état. De voir ainsi des gens considérés comme des rebuts de l'humanité un jour, avoir leur place au Panthéon le lendemain. Il doit y avoir quelque chose de brisé dans ce pays pour que cette affaire aussi malheureuse soit-elle, où les élus ne sont pas en cause, remonte ainsi jusqu'aux plus hauts sommets de l'Etat. Qui prennent prétexte de ce fait divers pour se mettre en scène, et afficher le plus obstensiblement possible leur solidarité, leur émotion, pour compatir dans la plus grande débauche d'obcénité. Tout un pays sous le jeu de l'émotion, qui victime de la même hystérie, saute d'un sentiment extrême à l'autre. Les mêmes médias très affirmatifs, dénoncent sur un ton semblable, les illusoires atrocités d'Outreau et le drame humain qu'ils ont contribués à créer.
Les masques de circonstances sont de sortie, le gouvernement annonce subitement des réformes judiciaires pour que plus jamais un autre Outreau ait lieu. On apperçoit ainsi, si besoin en était encore, que la notion de bien commun a disparu depuis très longtemps. Les gouvernement successifs agissent de la même manière, ne subiste plus qu'une politique du coup par coup, où le pouvoir en place essaye de surmonter les obstacles tendus sur sa route. On anesthésie les revendications des cheminots, puis vient le tour de agents de l'EN, on offre un subside aux agriculteurs puis aux routiers, avant d'essayer de désamorcer la crise à la SNCM, ect... Les faits divers apparaissent comme de nouvelles crises épisodiques à dénouer, et un moyen de briller. Après tout dans cette politique au petit bonheur la chance, où le clientélisme est le maître mot, et où seul le pouvoir de nuisance est reconnu, il n'est pas si étonnant de voir reçus à Matignon les acquittés d'Outreau. Pour le coup donc, on en ira de sa petite réformette symbolisant la volonté d'(in)action du gouvernement.
Cette affaire aura aussi permis à l'occasion de mettre en lumière le fonctionnement de notre belle justice. Où le moindre jugement met des mois sinon des années pour être rendu. C'est ainsi qu'on a pû en apprendre plus sur le travail de ces fameux experts délivrants des certificats de vérité. Ainsi un d'entre eux, Michel Emirzé pour le citer, a admis qu'il avait "décelé" pour "les dix-sept accusés initiaux de l'affaire d'Outreau", "quasiment chez chacun des traits de personnalité qu'on retrouve aussi chez les pédophiles, en l'occurrence : immaturité affective et/ou égocentrisme". Omettant de signaler qu'on retrouvait ces caractéristiques "chez la plupart des gens". Rapport "justifiant le maintien en détention provisoire des intéressés, parfois pendant plusieurs années"*. Nous voilà rassuré sur le sérieux de ces expertises. Un brillant expert psychologue allant plus loin, n'avait lui même pas hésité à déclarer pour se défausser que "quand on paye des expertises au tarif d'une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage". Sachant que son expertise où il avait constaté la "totale crédibilité de trois des enfants Delay-Badaoui" est facturée 15 euros de l'heure, on doit sans doute en conclure que ça fait très longtemps qu'il n'a pas fait de ménages.
Mais personnellement, j'ai un petit faible pour les mésaventures de la famille Legrand, et pour le travail des fins limiers du SRPJ de Lilles. Où comment un gamin qui a mentionné à une assistante maternelle un type qu'il appelait "le grand", aboutit à l'arrestation du père et du fils Danier Legrand habitant tous deux en Belgique. Tant qu'à faire deux valent mieux qu'un.
* Le Figaro
- Vae Victis
Un jour lie de l'humanité, suscitant haine et répulsion, destinés à passer de sombres années dans une geole, sous les affirmations sentencieuses de l'instruction, de la presse, de la vindicte populaire. Devant s'accomoder de co-détenus moralistes qui n'apprécient guère les agresseurs d'enfants. Et de passer seulement en quelques semaines de cet statut misérable, à la béatification, devenant des victimes d'une justice sans coeur, ayant perdue tout sens de la mesure, animée par un juge d'instruction inexpérimenté, ayant été entraîné sur des chemins tortueux par son jeune âge et les émois provoqués par cette première affaire importante. En bute de même à l'incompétence d'une presse ayant plus l'habitude de recopier des procès verbaux que d'enquêter. Avant que sous la pression de l'actualité la classe politique ne se sente l'obligation de réagir, et de se joindre au concert d'excuses et de louanges.
Mon objectif n'est certainement de faire planer un doute sur la culpabilité de ces individus accusés à tort, ni de justifier le piteux travail des services concernés, ni encore moins de prétendre que ces individus ne méritent pas d'être blanchis (n'y voyez aucune connotation raciale) et dédommagés. Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il y a quelque chose de foncièrement malsain à contempler un si rapide changement d'état. De voir ainsi des gens considérés comme des rebuts de l'humanité un jour, avoir leur place au Panthéon le lendemain. Il doit y avoir quelque chose de brisé dans ce pays pour que cette affaire aussi malheureuse soit-elle, où les élus ne sont pas en cause, remonte ainsi jusqu'aux plus hauts sommets de l'Etat. Qui prennent prétexte de ce fait divers pour se mettre en scène, et afficher le plus obstensiblement possible leur solidarité, leur émotion, pour compatir dans la plus grande débauche d'obcénité. Tout un pays sous le jeu de l'émotion, qui victime de la même hystérie, saute d'un sentiment extrême à l'autre. Les mêmes médias très affirmatifs, dénoncent sur un ton semblable, les illusoires atrocités d'Outreau et le drame humain qu'ils ont contribués à créer.
Les masques de circonstances sont de sortie, le gouvernement annonce subitement des réformes judiciaires pour que plus jamais un autre Outreau ait lieu. On apperçoit ainsi, si besoin en était encore, que la notion de bien commun a disparu depuis très longtemps. Les gouvernement successifs agissent de la même manière, ne subiste plus qu'une politique du coup par coup, où le pouvoir en place essaye de surmonter les obstacles tendus sur sa route. On anesthésie les revendications des cheminots, puis vient le tour de agents de l'EN, on offre un subside aux agriculteurs puis aux routiers, avant d'essayer de désamorcer la crise à la SNCM, ect... Les faits divers apparaissent comme de nouvelles crises épisodiques à dénouer, et un moyen de briller. Après tout dans cette politique au petit bonheur la chance, où le clientélisme est le maître mot, et où seul le pouvoir de nuisance est reconnu, il n'est pas si étonnant de voir reçus à Matignon les acquittés d'Outreau. Pour le coup donc, on en ira de sa petite réformette symbolisant la volonté d'(in)action du gouvernement.
Cette affaire aura aussi permis à l'occasion de mettre en lumière le fonctionnement de notre belle justice. Où le moindre jugement met des mois sinon des années pour être rendu. C'est ainsi qu'on a pû en apprendre plus sur le travail de ces fameux experts délivrants des certificats de vérité. Ainsi un d'entre eux, Michel Emirzé pour le citer, a admis qu'il avait "décelé" pour "les dix-sept accusés initiaux de l'affaire d'Outreau", "quasiment chez chacun des traits de personnalité qu'on retrouve aussi chez les pédophiles, en l'occurrence : immaturité affective et/ou égocentrisme". Omettant de signaler qu'on retrouvait ces caractéristiques "chez la plupart des gens". Rapport "justifiant le maintien en détention provisoire des intéressés, parfois pendant plusieurs années"*. Nous voilà rassuré sur le sérieux de ces expertises. Un brillant expert psychologue allant plus loin, n'avait lui même pas hésité à déclarer pour se défausser que "quand on paye des expertises au tarif d'une femme de ménage, on a des expertises de femme de ménage". Sachant que son expertise où il avait constaté la "totale crédibilité de trois des enfants Delay-Badaoui" est facturée 15 euros de l'heure, on doit sans doute en conclure que ça fait très longtemps qu'il n'a pas fait de ménages.
Mais personnellement, j'ai un petit faible pour les mésaventures de la famille Legrand, et pour le travail des fins limiers du SRPJ de Lilles. Où comment un gamin qui a mentionné à une assistante maternelle un type qu'il appelait "le grand", aboutit à l'arrestation du père et du fils Danier Legrand habitant tous deux en Belgique. Tant qu'à faire deux valent mieux qu'un.
* Le Figaro
- Vae Victis
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home