C'est ainsi que se passe une partie de mon après-midi, sur un banc de fac, à feuilleter un quoditien délaissé par d'autres étudiants tout aussi inattentifs. J'apprends que mercredi 8 mars est consacré aux femmes. Enfin d'après ce que j'en vois, plutôt aux féministes revendicatives. Encore une de de ces journées symboliques qui connaissent depuis quelques années un grand succès, à tel point que les dates finissent pas manquer pour caser toutes ces manifestations. J'aprendrai le jour suivant, que le 9 mars semble avoir été dédié à l'incontinence, sans doute une de ces grandes causes nationales dont on sous-estime l'importance.
"Mon" quotidien Metro entre les mains, je lis en diagonale l'actualité du jour ou ce qui en fait office. "
Le combat n'est pas fini" retient un peu plus que le reste mon attention dont je suis si avare. "
Maïté Albagly, secrétaire générale du Planning familial, retrace cinquante ans de lutte" forcément héroïque - tout un programme. Classiquement on commence par la lutte pour le droit à la contraception, on embraye bien évidemment sur les "343 salopes", puis la loi Veil de 1974, le combat pour le remboursement de l'IVG. Avant d'évoquer les missions actuelles du Planning familial, comme le soutien aux femmes battues, la prévention dans les écoles, et le temps de bien réaffirmer "qu'on ne juge pas".
Je peux aisément comprendre que certaine choses même si elle sont immorales, soient nécessaires à la vie en communauté. Ainsi même s'il est difficile d'affirmer que la torture est une bonne chose, elle peut dans le domaine de la lutte anti-terrorisme se révéler utile, sinon indispensable. Je crois que l'avortement entre dans cette catégorie de chose, qui même si elles ne peuvent être taxées de morales, sont pour de multiples raisons pratiques justifiables. Il n'est évidemment pas dans mon intention de comparer des femmes avorteuses à des tortionnaires. Quoi qu'on en dise, on ne peut décemment pas affirmer que tuer ou plus exactement dans nos contrées aspirer un embryon avant de le détruire, soit une aspiration d'une grande vertu. Je sais qu'on aime par le pouvoir des mots dire qu'un embryon n'est pas un enfant, mais génétiquement c'est faux. De la même façon qu'on pourrait aisément tirer comme conclusions qu'un enfant n'est pas un être humain, sous le prétexte qu'ils ont une forme physique différente. Il suffirait de comparer ses proportions corps/tête à celles d'un adulte pour s'en convaincre.
Cela pose la question de savoir à partir de quel moment un être de l'espèce humaine devient un être humain, avec toutes les protections juridiques induites. Serait-ce seulement à l'accouchement ? On ce souvient du tolé déclenché par le député Garraud, qui avait glissé dans la loi sur la protection routière un amendement condamnant assez lourdement les avortements involontaires. Assimilés dans l'esprit à des infanticides. Mesure qui venait appuyée la condamnation pour homicide involontaire d'un chauffard ivre, cassée en cassation, qui faisait du foetus une personne juridique.On serait donc arrivé à la curieuse conclusion, que les mères ont droit de vie et de mort sur leur progéniture, dès lors que la mort est donnée volontairement à leur initiative. On peut aussi noter que la loi prévoit qu'un enfant formé puisse hériter de son père, ce qui revient paradoxalement à le reconnaître juridiquement. En réalité ce domaine est soumis à de très nombreuses incohérences. Certainement salutaires.
Une remarque retient tout de même mon attention. "
En 1975, la loi Veil autorise l'IVG. Il a encore fallu se battre pour obtenir le remboursement." Voilà mon principal point de divergence avec ces "dames du Planning familial". Qu'est-ce donc que la Sécurité Sociale, sinon une mutuelle étatique prenant en charge les problèmes de santé des ayant droits ? Est-ce de là à dire qu'être enceinte est comparable à une maladie, et la chose gargouillant au sein de la mère à une tumeur maligne ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi donc ce qu'on appelle la "solidarité" nationale devrait-elle prendre en charge une opération de "confort", ou du moins (la plupart du temps) non curative qui rélève de choix personnels ?
En fait derrière cette revendication de remboursement de l'IVG pointe la volonté de faire contribuer tous les français, de ne pas se contenter d'une légalisation de l'IVG,
mais d'aller jusqu'à sa moralisation. Affirmer qu'il n'est pas condamnable moralement de se faire avorter, que cela est bel et bon. L'avortement est un sujet où les réactions sont généralement très tranchées, polémiques, où chacun a ses convictions. Avec le remboursement de l'IVG par la Secu, nul ne peut se soustraire de son financement ; d'office vous en êtes complice. C'est clairement un viol de la liberté de conscience. Et c'est sans doute conçu en ce sens. Ne plus rendre l'avortement honteux, mais le faire rentrer dans la normalité, le rembourser comme un traitement pour la toux, au nom d'un principe de santé publique.
Quelques pages plus loin s'étale une interview consensuelle de Simone Veil. Malgré ses divers engagements, qui dénote la femme du siècle dernier, je dois dire que j'ai une certaine sympathie pour elle. C'est plutôt courageux de s'opposer aux sinistres lois Gayssot, tout en ayant fait un séjour en camp de concentration. Femme de caractère elle l'est, on ne peut le lui dénier. Mais enfin j'aurai préféré qu'on lui demande si elle se félicite des 200 000 avortements annuels, de faire un bilan de son intiative de l'époque, ça aurait été la moindre des choses.
J'aurai au moins appris une chose entre ces pages. Les femmes sont de petites choses fragiles, peut-être en voie de disparition, discriminées, et qui nécessitent pour leur survie des mesures de préservation spécifiques.