dimanche, août 28, 2005

Quand est-ce qu'on mange ?


Quand on voit ces images d'horreur on ne peut que ressentir une grande tristesse, comment ne pas être humainement touché par des enfants mourant de faim ? Il suffit de voir ces petits corps n'ayant plus que la peau sur les os, ces orbites creuses, ces airs hagards, ces têtes qui en deviennent disproportionnées face à ces corps considérablement amaigris, et ces mères aimantes autant que désespérées serrant leurs enfants agonisant contre elles, pour être saisi d'une grande émotion (avec des trémolos dans la voix, les poings serrés, et la petite larme à l'oeil), et d'une volonté de ne pas laisser se passer une telle chose, d'aider ces population à ne pas mourir de faim. Cette situation de famine nous paraissant avec raison insoutenable, nos pays occidentaux n'en n'ayant pas connus de pareilles depuis plus d'un siècle ou deux.

Bien sûr ce sont toujours les femmes et les enfants, c'est-à-dire les populations les plus faibles, les premières victimes dans ce genre de situation, et cela malgré toutes les lois pour le respect de la parité. Ces images de famine apocalyptique ne peuvent que me rappeler des souvenirs lointains de Somalie et de sacs de riz, quand enfant à l'école primaire je faisais preuve de générosité pour aider ces habitants, contribuant ainsi à enrichir les seigneurs de guerre de ce pays, c'est l'occasion d'y repenser avec nostalgie, de toute façon le mot d'ordre jamais respecté n'a pas changé : "plus jamais ça "

Sous le choc de l'émotion ça me donnerait presque envie de pousser un cri contre cet Occident, industriel, riche et égoïste, n'ayant que faire de la misère du Tiers-Monde, qui se complait dans des discours hypocrites d'aide au développement qui n'arrive jamais, qui ne cesse de mépriser et d'exploiter ce continent africain, qui lui essaye malgré tout de survivre. Contre ces occidentaux engoncés dans leurs privilèges, ne se plus souciant que de leur pouvoir d'achat, du prix du litre d'essence, de la rentrée littéraire et de la grille télé de la rentrée, alors qu'à quelques milliers de kilomètres de nous des catastrophes ont lieu.

On entend déjà les médias, les ONG, et les charognards instrumentalisant ce drame à des fins politiques, bredouillant qu'en plus de ne pas faire preuve d'assez de solidarité avec nos frères du Sud, nous contribuons à leurs malheurs, et cela pour la voie du réchauffement climatique. Par notre désir égoïste autant qu'irresponsable de développement du Nord nous entrainons la pauvreté des pays du Sud, ne nous souciant guère des répercussions sur l'environnement et l'équilibre planétaire, ce qui entraîne dans les pays où l'équilibre climatique est fragile de grandes sécheresses, les cultures comme les prairies se déssèchent, les troupeaux ne pouvant plus se nourrir sont décimés, les populations locales déjà soumissent à la pauvreté, sont contraintent à la famine.Il semblerait pourtant que : "Selon les rapports du PAM (Programme alimentaire mondial), l'invasion des criquets ou la sécheresse ne justifient qu'une baisse de 7% de la production nationale de céréales. D'autres facteurs expliquent le drame : une démographie galopante, le manque d'accès aux soins, la spéculation qui entraîne des hausses de prix rendant inaccessible le sac de mil." (2)

Mais, parce qu'il y a un mais, nous apprenons dans le même temps que dans la majorité du pays la récolte fut tout à fait convenable, et que celui-ci a tout à fait les moyens s'il le souhaitait et s'il s'organisait en conséquence d'endiguer cette famine qui en vérité n'en est pas une. «Manque presque total de ressources alimentaires dans un pays» : Telle est la définition du mot «famine» dans la version Internet du Dictionnaire Larousse. Au Niger, elle ne correspond pas tout à fait à la situation. Les récoltes des trois dernières décennies n'ont jamais été aussi bonnes. En ville comme en brousse, les étals de mil ou de sorgho sont toujours achalandés. Et, en quémandant un cadeau aux voyageurs de passage, les enfants ont souvent un ou deux beignets à vendre." (2)

Il est pourtant vrai qu' "un drame sévit dans cette partie du monde. En août 2005, à cinq heures de vol de Paris, des centaines de milliers d'enfants meurent encore de faim." (2) Oui mais les causes de cette pénurie alimentaire sont plus structurelles que conjoncturelles, tous les ans le pays est soumis, comme d'ailleurs toutes les économies traditionnelles basées sur l'agriculture, à une période plus ou moins difficile de soudure entre deux récoltes, l'approvisionnement de nourriture devant être assuré par la récolte précédente, à cette époque de l'année déjà bien entamée. "Tous les ans, à cette époque de l'année, dans tous les villages du Niger, certains enfants n'ont pas suffisamment à manger." (2)

Il est à rappeler que la situation actuelle du Niger n'est pas comparable à celles du "Biafra de 1967, ni l'Ethiopie de 1984, ni l'Angola de 2002. Il n'y a ni guerre, ni manque de nourriture. L'Etat gère un stock de céréales de sécurité qui, en principe, devrait assurer la soudure entre deux récoltes." Le gouvernement a conscience du problème, "chaque année, à la fin de la saison agricole, des évaluations sont faites.", il propose aussi quelques solutions comme "des ventes de céréales subventionnées, dites «à prix modérés», des opérations «travail contre nourriture» dans les villages les plus touchés" (1), ou encore des "crédits de campagne", permettant à la population d'emprunter 300 kilos de mil remboursable sur la prochaine récolte.

Mais cette aide alimentaire payante exlut de fait les familles qui se trouvent trop éloignées des points de vente pour y avoir accès, et celles qui suite à la baisse de leurs revenus n'ont pas les moyens de se la procurer. Cette baisse de revenus étant provoquée par la chute du prix de vente du bétail ; ces populations d'agriculteurs ayant presque pour seule richesse leur bétail, se voient acculées à vendre en masse leurs bêtes, qu'ils ont de toute façon beaucoup de difficultés à nourrir, pour constituer une réserve de vivres suffisante pour passer la saison, ce qui conduit à une saturation des marchés. Ce mouvement accompagnant la hausse du prix du mil pour cause de pénurie dans la région, d'où résulte la disette actuelle.

Le gouvernement nigérien savait que cette période de soudure serait cette année plus délicate à effectuer qu'à l'ordinaire, dès octobre celui-ci "et les bailleurs de fonds ont annoncé qu'un quart de la population soit environ 3,5 millions de personnes était menacé par cette crise grave. 9 mois plus tard alors que les stocks existent, le mil est toujours inaccessible pour les personnes les plus frappées par le manque de nourriture". (4) Mais il n'a pas agit en conséquence, les nigériens ayant la facheuse tendance de n'y voir qu'une "redoutable fatalité", "cette année, assure-t-on, «la soudure» était juste un peu plus difficile que d'habitude..." (2) C'est cette attitude totalement irresponsable qui a conduit au drame actuel. Le PAM avait proposé de constituer à grande échelle dans les zones qui risquaient d'être victime de la pénurie alimentaire des stocks de nourriture au niveau des villages, opération budgétisée à hauteur de quatre millions de dollars, pour aider 460 000 personnes. Cette solution comptant encore sur la fameuse solidarité internationale, et sur des aides spéciales qui n'en finissent pas, au lieu de responsabiliser le gouvernement en place n'était pas appropriée, mais en soi la méthode préconisée aurait pue donner statisfaction une fois reprise par les instances nigériennes.

Aujourd'hui le gouvernement reconnaît l'insuffisance de sa politique, mais il n'a pas pour autant l'intention de procéder gratuitement à des distributions alimentaires, selon lui pour protéger les marchés agricoles. Cette crainte étant reconnaissons le en soit justifiée, 90% de la population nigérienne étant composée de paysans, une crise économique à ce niveau pourrait avoir des conséquences encore plus masives et radicales que cette disette, et ruiner plus profondément le pays. Mais quand "un sac de mil de 100 kg, qui en temps normal oscille entre 10 et 12 000 Fcfa, en atteint jusqu’à 35 000 Fcfa" (3) on peut légitimement penser que les marchés en raison d'une chute de l'offre sont déjà légèrement destabilisés, il est de plus de la responsabilité du gouvernement de veiller à la sécurité de la population, que ce soi de manière militaire, policière mais aussi dans de tels cas d'urgence alimentaire.

Comme dans toutes les périodes de crise, certains plus malins que les autres en profitent pour se constituer facilement de jolis pactoles, comme le prouve cet exemple : "Les pasteurs, que l’on trouve au nord, sont descendus au sud pour trouver des pâturages. Mais sans succès. « L’herbe a été coupée, stockée, et une botte pour nourrir une bête une matinée coûte jusqu’à 2 500 Fcfa »" (3), prix qui est hors de portée de la majorité des éleveurs. Comme on dit le malheur des uns fait le bonheur des autres, il suffit de saisir les opportunités.

Les dirigeants nigériens laissent donc délibérément agoniser leur propre population, femmes, enfants, sans doute par manque de volonté, tout cela provenant d'un certain fatalisme ; ils n'avaient déjà rien fait pour empêcher la crise, se contentant de discourir dans les instances onusiennes, mendiant une aide qui n'est pas nécessaire. Le gouvernement se reposant aujourd'hui sur les ONG qui procèdent de manière éparse à des distributions gratuites de nourriture et mettent en place des centres de soin, solution inadéquate pour répondre en pleine crise aux nombreuses demandes, le manque d'infrastrutures routières d'un pays grand comme trois France constituant un autre obstacle. On peut aussi sans doute mettre en cause la corruption du pays, cette spéculation effrénée est loin comme il a été mentionné précédement de ne faire que des malheureux, il ne serait pas étonnant que des hommes ayant des responsabilités et leur réseaux d'influence profitent de la crise, on comprend qu'ils considèrent une baisse des cours du mil comme préjudiciable. Et puis politiquement cela permettra à l'occasion au gouvernement nigérien de culpabiliser ces salauds d'occidentaux égoïstes, et de faire valoir en temps voulu, lors de négociations tendues comme celle de la réduction de la dette, sous forme d'argument notre supposée immoralité. Et continuer d'attiser la repentance des pays développés pour tous les maux de la planète, nous laissant dans un puéril dénuement intellectuel et moral.

Ce genre d'événements ne sont que trop coutumier de pays africains gérés en dépit du bon sens.

1) RFI
2) Le Figaro
3) Afrik.com
4) Rapport Médecins sans frontières

- Vae Victis

2 Comments:

Blogger Harald said...

Essai transformé brillament. Bravo.

10:21 AM  
Blogger Unknown said...

Vous avez un blog très agréable et je l'aime, je vais placer un lien de retour à lui dans un de mon blogs qui égale votre contenu. Il peut prendre quelques jours mais je ferai besure pour poster un nouveau commentaire avec le lien arrière.

Merci pour est un bon blogger.

4:05 PM  

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